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16 mai 2014 5 16 /05 /mai /2014 01:23

Voici le temps d’un retour en terre d’enfance. Mes amis y sont restés et ont grandi. Ils vivent dans une cour à l’architecture étriquée, chacun dans une pièce minuscule qui s’apparenterait presque à une cellule de prison. Les murs sont vieux, mal entretenus.

 
J’entre dans cette cour et aperçois à travers leur fenêtre le frère et la sœur qui étaient mes voisins. Elle est devenue coiffeuse, mais malgré ce métier d’artiste sa chambre, sa maison sont quasiment dépourvus de décoration. Une peinture ayant viré au gris s’écaille. Un petit lit a trouvé sa place mais l’espace ne peut rien  accueillir de plus. Dans la fenêtre voisine, le frère est plongé dans la lecture d’un manga, et son nid n’est pas différent de celui de sa sœur.

 
Ils me sourient et m’accueillent chaleureusement, surtout elle.


Plus loin, dans la partie droite, notre amie autrefois chérie est assise à une table de travail, à l’intérieur de sa chambre elle aussi, une pièce un peu plus grande et je l’observe (elle aussi) à travers l’encadrement d’une fenêtre sans vitre, mais elle ne me voit pas, ne se retourne pas. La beauté de son enfance a fané, pressée comme une orange par la réalité de ses rêves brisés. Je me souviens qu’elle voulait devenir hôtesse de l’air. Elle était si brillante et élégante. Maintenant elle ne désire plus s’envoler d’ici et elle s’est faite à la solitude. Son apparence physique, son enveloppe ne l’intéresse plus, pourtant je sais qu’au fond elle est toujours aussi douce.


L’autre amie m’explique qu’elle ne parle plus. Alors nous la fixons un instant en silence, comme un tableau.


Puis elle me demande si j’ai un peu d’argent. « On pourrait aller au restau ensemble ! » J’ai justement un carnet de tickets repas que je sors de mon sac. Je suis heureuse, c’est apparemment une occasion rare pour elle et son frère. Nous passons chercher un autre copain, qui est également resté dans ce village reculé, où rien ne se passe, ou presque, à part les potins, et un cinéma. Sa chambre est davantage personnalisée : des écritures adolescentes griffonnées sur les meubles, quelques objets de foot. Il rêvait de devenir une racaille de Sarcelles quand il était plus jeune. La fille reconnaît qu’elle n’aime pas cet endroit. Mais elle y reste tout de même, car c’est tout ce qu’elle connaît, tout ce qu’elle a. Et face à ma culpabilité, lorsque je règle la note du restaurant, et tandis qu’elle savoure son hamburger, elle me dit : « T’as de la chance, tu sais ! » et son ton est joyeux. « Tu as raison d’être partie. » Et elle se fend en un grand sourire.


Parfois je crois qu’ils ont de la chance d’être restés entre eux, avec leur amour éternel, et près de la mer.


2011

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